L'enseignement des langues régionales (2000)


  • Les langues régionales au primaire
  • Le bilinguisme en question
  • Les écoles associatives déçues par les propositions de l'État
  • José Rossi et Paul Giacobbi pour l'enseignement obligatoire du corse
  • Nice : une convention pour l'enseignement du nissart
  • Le corse sans mention de facultativité
  • Un livre noir du breton à l'école
  • Le provençal enseigné aux enfants gavots
  • Jack Lang : "L'enseignement des langues régionales est l'un des chantiers à venir"

  • Jack Lang souhaite des langues régionales "pleinement reconnues"

    Le ministre de l'Éducation nationale, Jack Lang, assure dans un entretien à Ouest-France (14 août 2000) qu'il va "naturellement" favoriser l'enseignement des langues régionales. "Je souhaite que ces langues soient pleinement reconnues dans notre système d'enseignement, à tous les échelons. C'est l'esprit du plan pour l'école que j'ai récemment présenté. Entre 5 et 12 ans, un enfant a l'oreille musicale. Il faut lui offrir toutes les possibilités d'apprentissage des langues : la langue nationale qui est l'ossature même de notre enseignement, une langue vivante étrangère et la langue particulière de la région".

    Jack Lang dit par ailleurs être "un militant de toujours de la reconnaissance de la pluralité des cultures. J'aurais voulu être linguiste : il n'y a rien de plus mystérieux et de beau qu'une langue, si restreinte soit-elle".

    Les langues régionales au primaire

    Le ministre de l’Éducation nationale, Jack Lang, a annoncé les grandes lignes de son projet pour l’école primaire, comportant notamment la généralisation de l’apprentissage d’une langue vivante. Lors de sa conférence de presse du 20 juin, le ministre a également abordé les langues régionales. "J’ai également décidé de favoriser leur enseignement", a déclaré le ministre. "Deux voies sont aujourd’hui offertes dans l’enseignement public : initiation et bilinguisme. Une discussion s’est ouverte avec les associations Diwan et Seaska en vue de l’intégration dans l’enseignement public des établissements pratiquant l’enseignement des langues régionales par immersion. Ainsi, une troisième modalité sera offerte par l’Éducation nationale pour cet enseignement".

    (L'Èime Prouvençau, n° 36, juillet-août 2000)

    Le bilinguisme en question

    L'enseignement bilingue langue régionale-français, qui a d'abord été l'apanage des seules écoles associatives (ikastolas, diwan, calendretas...), est apparu dans les établissements publics à la suite de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989. Mais force est de constater que ce dispositif reste marginal. Les écoles associatives scolarisent 6000 élèves environ et l'Éducation nationale ne fait pas mieux. En Bretagne, l'enseignement bilingue (public, Diwan et enseignements catholique) a certes augmenté ses effectifs de 19% cette année, mais il n'en reste pas moins qu'il ne concerne que 5662 élèves. La situation en Provence-Alpes-Côte d'Azur est encore plus symptomatique. Quatre écoles publiques sont plus ou moins concernées par ce dispositif qui ��bénéficie à 300 élèves environ. Par ailleurs, les Calendretas provençales scolarisent moins d'une centaine d'enfants. Relevons, en rapport, que 450.000 enfants sont scolarisés en maternelle ou en primaire en Provence...

    De fait, ce dispositif est lourd et coûteux. "L'enseignement bilingue français-langue régionale est plus difficile à mettre en œuvre que celui d'initiation", indique le ministère de l'Éducation nationale. "En effet, son organisation implique qu'un poste d'enseignant bilingue soit affecté à l'école d'accueil de la classe bilingue. Par contre, dans la pratique, l'initiation est souvent assurée par un maître de l'école ayant des compétences de base dans la langue régionale à enseigner, ce qui représente plus de facilité à mettre en place".

    C'est �ainsi que l'inspection académique des Bouches-du-Rhône, sous l'impulsion de Sonia Henrich et Alain Barthélémy-Vigouroux, a imaginé un système original. Treize écoles de ce département sont en effet des centres renforcés d'enseignement de la langue régionale. Avec un maître provençalophone pour trois classes, ce dispositif permet d'assurer un minimum de trois heures d'enseignement de la langue par semaine.

    A cela s'ajoute la "sensibilisation". 7800 enfants en bénéficient dans l'académie de Nice (nissart ou provençal) et 9000 dans celle d'Aix-Marseille. "Les chiffres restent bas", constate l'universitaire Philippe Blanchet (Klask, no 5-1999). "Entre 3 et 5% des élèves reçoivent "une sensibilisation" à laquelle tous devraient avoir accès".

    C'est en effet un aspect essentiel de la survie de nos langues. L'école doit contribuer à une imprégnation de l'enfant et encourager par là-même un entourage parfois hésitant à transmettre l'héritage linguistique.

    (L'Èime Prouvençau, n° 33, janvier-février 2000)

    Les écoles associatives déçues par les propositions de l'État

    Le ministère de l'Éducation nationale a publié, le 14 février 2000, ses propositions pour le passage sous statut de droit public des écoles associatives en langues régionales.

    Selon le texte, les écoles bilingues doivent respecter les programmes et horaires en vigueur dans l'enseignement public, et permettre aux élèves de posséder une compétence en français identique à celle des autres scolaires à la fin du primaire.

    Au collège et au Lycée, l'immersion pourra continuer dans les classes "langues et cultures régionales", où l'enseignement comporterait au moins deux disciplines enseignées en français et deux en langue régionale. Ces enseignements seront pris en compte au brevet et au bac, sachant que les candidats pourront retenir la langue régionale comme première langue vivante et qu'ils pourront l'utiliser pour l'épreuve d'histoire.

    La coordination des écoles en langues régionales a jugé que ces propositions étaient "hors sujet". "On nous propose en fait l'atomisation de nos écoles dans le service public, voire la phagocytation, comme on l'a vu pour les sections bilingues, qui, de fait, fonctionnent mal". Les écoles associatives regrettent que l'État ne s'engage pas sur une obligation d'offrir un enseignement en langue régionale à l'école primaire, et ne donne pas plus de garantie pour financer leurs investissements, aujourd'hui soumis aux restrictions de la loi Falloux.

    (AFP, 14 fév. 2000, Le Monde, 17 fév. 2000)

    José Rossi et Paul Giacobbi pour l’enseignement obligatoire du corse

    L’Assemblée de Corse débattra le 10 mars 2000 d’une éventuelle réforme institutionnelle à proposer au gouvernement. Le président de l’Assemblée, José Rossi (DL), a fait sensation en préconisant un statut permettant "d’aller vers une région autonome qui ressemble à la petite cinquantaine de régions autonomes qui existent au sein de l’Union �européenne". C’est ainsi que M. Rossi entend proposer le transfert à l’administration insulaire de trois vastes "blocs de compétence" : action économique ; aménagement du territoire ; identité, culture, langue et une partie de l’éducation. Le président de l’Assemblée de Corse envisage en effet l’enseignement obligatoire du corse à l’école primaire.

    Le président du Conseil général de Haute-Corse, Paul Giacobbi (PRG), s’était également prononcé dans ce sens. "La langue corse est en perdition (...). Et, s’il faut des mesures fortes pour rattraper le temps et sauver ce qui peut encore l’être, il ne faut pas hésiter. A ce titre, l’initiation obligatoire, quelques heures par semaine dans les écoles, paraît un minimum qui vaut au moins d’être expérimenté".

    (d’après AFP, 22-24 février 2000, et Corse-Matin, 26 janv. 2000)

    Nice : une convention pour l’enseignement du nissart

    L’inspection académique des Alpes-Maritimes et la ville de Nice ont signé une convention, qui prévoit de réserver une place à l’apprentissage du niçois dans les 163 écoles maternelles et primaires de la ville dès la rentrée 2000. Près �de 30.000 enfants de 3 à 10 ans sont concernés par cette mesure, qui n’aura toutefois qu’une valeur d’incitation. "L’enjeu de cette opération, c’est d’arrêter l’effondrement du nissart", a déclaré Jacques Peyrat, sénateur-maire de Nice, lors de la signature de cette convention.

    Dans le cadre de ce projet d’envergure, il est prévu de réaliser trois cassettes-vidéo, correspondant à trois niveaux d’initiation. 900.000 francs seront investis dans ces "liçoun" de conception récréative.

    (L'Èime Prouvençau, n° 33, janvier-février 2000) 

    Le corse sans mention de facultativité

    Le recteur de Corse vient d’indiquer dans une circulaire que, pour la prochaine rentrée, l’enseignement de la langue corse devait figurer sans mention de facultativité dans l’emploi du temps des classes de sixième. Lors de la rentrée 2000, il appartiendra aux familles ne souhaitant pas que leur enfant étudie le corse de le manifester auprès du chef d’établissement.

    Un livre noir du breton à l'école

    Les enseignants de breton, les parents d’élèves des écoles bilingues et le Conseil culturel de Bretagne ont publié un "Livre noir", dans lequel ils soulignent les manques du système éducatif à un moment où les attentes sont fortes. Cet opuscule détaille les difficultés rencontrées : détérioration du taux d’encadrement, report d’ouvertures malgré un nombre suffisant d’inscrits, développement de la précarité, émiettement des moyens dans le secondaire... Les auteurs réclament la levée des blocages sur le statut public régional de Diwan et la création d’un concours spécifique, qui assurerait le recrutement des enseignants pour les classes bilingues.

    (d'après Le Télégramme de Brest, 4 février 2000) 

    Le provençal enseigné aux enfants gavots

    Un plan de développement de la langue provençale dans les écoles des Alpes-de-Haute-Provence a été mis en œuvre par le Conseil général de ce département. Pour l’heure, 500 enfants sont concernés par ce plan encore modeste, qui ne mobilise que 90.000 F de crédits.

    (L'Èime Prouvençau, n° 36, juillet-août 2000)

    Jack Lang : "L'enseignement des langues régionales est l'un des chantiers à venir"

    Au cours de ces dernières semaines, le ministre de l’Éducation nationale, Jack Lang, a multiplié les interventions en faveur des langues régionales.

    Le 18 octobre, deux manifestations lui en ont donné l’occasion: la signature de la convention État-Région sur l’enseignement des langues vivantes dans l’académie de Strasbourg et une conférence de presse sur les perspectives éducatives pour l’Outre-Mer.

    "Le 4 septembre, à l’occasion de la rentrée scolaire, j’ai annoncé que le développement de l’enseignement des langues régionales constituait l’un des chantiers à venir avec trois directions prioritaires", a déclaré le ministre :

    "- donner un véritable cadre national pour cet enseignement. J’ai chargé Jean-Paul de Gaudemar, le directeur de l’enseignement scolaire, qui avait été particulièrement actif sur ce sujet en tant que recteur de Strasbourg, puis de Toulouse, de préparer une circulaire en ce sens.

    "- Il sera demandé à chaque recteur concerné de préparer un plan de développement de cet enseignement à partir de cette circulaire.

    "- Enfin, je souhaite que soit renforcé le recrutement de professeurs des écoles pour l’enseignement des langues régionales et en langue régionale. La mise en place d’un concours spécial pour leur recrutement est à l’étude. Un effort particulier sera fait pour la formation de maîtres bilingues, notamment pour ceux qui se destinent à l’enseignement en langue régionale".

    Jack Lang a redit sa volonté dans un entretien au "Monde" (16 novembre) : "Ma conviction a toujours été la même : je persiste à penser que l’État a été destructeur de langues et de cultures régionales, de patrimoines, de traditions. Tout savoir, surtout lorsqu’il est minoritaire, mérite d’être protégé et défendu. Je suis décidé à assurer la pleine reconnaissance des langues régionales".

    Ces prises de position interviennent au moment où le ministère de l’Éducation nationale est en voie de finaliser un accord avec les écoles bretonnes Diwan, afin de les intégrer au service public.

    Cette perspective, ainsi que celle de la généralisation de l’enseignement du corse sur l’Île de Beauté, entraîne une mobilisation du mouvement laïque, qui juge que "le français, langue de la République en vertu de la Constitution, est relégué au rang de langue seconde".

    (L'Èime Prouvençau, n° 38, novembre-décembre 2000)

    Alsace : une convention pour l'apprentissage des langues

    Le ministre de l'Éducation nationale et les représentants des collectivités alsaciennes ont signé, le 18 octobre à Paris, une convention sur le développement de l'apprentissage des langues, et notamment de l'alsacien, dans le Haut- et le Bas-Rhin. Dans les écoles, l'objectif est de généraliser la possibilité d'apprentissage précoce dès la petite section de maternelle à l'horizon 2006 pour aboutir au bilinguisme de tous les enfants. 252 millions de francs sont programmés pour la période 2000-2006.

    (L'Èime Prouvençau, n° 38, novembre-décembre 2000)

     

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