Les titres du n° 69 - été 2007

Langues régionales : qu'attendre de Sarkozy ?

Opposé à la ratification par la France de la Charte européenne des langues minoritaires, le nouveau président de la République française, Nicolas Sarkozy, a annoncé pendant la campagne électorale qu'il proposerait de faire adopter un texte de loi afin de sécuriser une fois pour toutes la situation des langues régionales de France.

Dans une lettre adressée -avant son élection- au Bureau européen des langues minoritaires (EBLUL), Nicolas Sarkozy estimait ainsi que cette question touche à la liberté et à la diversité culturelle au sein de la République et se disait soucieux de la préoccupation "des locuteurs des langues de France autres que le français" sur le risque de disparition de leur langue propre. "On assiste, en effet, en ce moment, à la disparition des dernières générations de locuteurs naturels et, malheureusement, avec elle, à la disparition de la transmission familiale de ces langues" écrivait-il.

"Dans ces conditions, l’enseignement est devenu depuis quelques années la voie privilégiée et déterminante de la sauvegarde des langues régionales, c’est-à-dire de notre patrimoine linguistique" (...). "Faut-il consolider juridiquement cette dynamique ? Je le pense, notamment parce que la maîtrise d’une langue régionale peut constituer, à mon sens, un avantage décisif pour une bonne insertion professionnelle. On ne le dit pas assez souvent, mais en parlant l’alsacien ou le catalan, par exemple, un jeune ne s’enrichit pas seulement culturellement : il s’ouvre de nouveaux horizons professionnels au-delà des frontières" considère le chef de l'État.

Concernant la ratification de la Charte européenne, Sarkozy confirme être opposé à son adoption. "Je sais que depuis quelques années, en période électorale, les candidats ont pris une mauvaise habitude : ils promettent tout et n’importe quoi aux locuteurs des langues régionales. Ce sont bien entendu des promesses qui sont sans lendemain, suscitant beaucoup d’amertume et de frustrations. Je ne suis pas de ceux-là. C’est pourquoi je ne vous dirai pas, aujourd’hui, que je m’engage à ratifier, dès demain, la Charte européenne. Les hommes ou les femmes politiques qui vous font cette promesse sont des mystificateurs" estimait-il.

"La Charte a été jugée non conforme, non seulement à l’article 2, mais également au principe d’indivisibilité de la République, d’unité du peuple français et d’égalité" rappelle-t-il. "Je pense que l’idée d’un texte de loi posant la reconnaissance juridique des langues régionales de France est à la fois beaucoup plus raisonnable et surtout plus efficace. Comme l’avait démontré le Professeur Guy Carcassonne, dont nul ne peut contester la qualité d’expertise, bon nombre des propositions retenues par le gouvernement en vue de la ratification de la Charte étaient compatibles avec notre Loi fondamentale. Si le Conseil constitutionnel en a décidé autrement, c’est sans doute à cause de la tonalité générale de la Charte, et plus particulièrement son préambule. Plutôt que de promettre une fois de plus une hypothétique ratification, je propose de réfléchir ensemble aux propositions très concrètes que l’on pourrait retenir pour sécuriser une fois pour toutes la situation des langues régionales de France" précise-t-il.

De plus, M. Sarkozy faisait mention dans ce courrier de la loi Fillon sur l'école du 23 avril 2005, estimant que c’est "une bonne loi": "Premièrement, si l’implication croissante des collectivités territoriales dans l’enseignement des langues régionales est une excellente chose, cela ne signifie pas que l’Etat souhaite abandonner sa part de responsabilités : l’enseignement des langues régionales relève toujours des missions de l’Etat. Deuxièmement, si un régime distinct existe désormais entre langues vivantes étrangères et langues régionales, il n’a jamais été question de ne pas soumettre ces dernières au même régime d’excellence : la détermination des niveaux à atteindre dans les langues vivantes étrangères étudiées à l’école puis au collège doit également s’appliquer aux langues régionales". Selon Nicolas Sarkozy, "le ministère de l’éducation nationale doit également définir le niveau d’exigence à atteindre dans les classes bilingues français-langue régionales de 3e, dans la langue régionale et dans la discipline évaluée en langue régionale (histoire-géo). Et si pour cela il faut modifier les textes, pour lever toute ambiguïté, je le ferai" promet-il.

De plus il se dit "favorable à ce que le droit des parents à inscrire leurs enfants dans une classe bilingue français-langue régionale soit reconnu, dès lors que la demande est suffisante".

Enfin il estime "trop faible" le temps d’antenne que l’on accorde aux langues régionales à la télévision publique et à la radio et propose de prendre l’exemple corse qui offre 5.600 heures par an en langue corse notamment aux heures de grande écoute. "Pour le développer dans d’autres régions".

Nicolas Sarkozy avait également évoqué cette question dans son discours de Caen, le 9 mars 2007, consacré à la francophonie. Il avait alors relevé que "le patrimoine linguistique de la France, ce n’est pas seulement le Français, c’est aussi l’extraordinaire richesse de ses langues régionales. Il suffit de se souvenir de l’œuvre immense de Mistral pour prendre conscience de l’appauvrissement que constituerait la disparition de toutes ces langues très anciennes qui ont concouru à la formation de la langue française et qui continuent à vivre en partie en elle. Je souhaite que leur enseignement soit correctement pris en charge par l’éducation nationale. Je souhaite que l’on soutienne leur pratique et leur diffusion. Mais je ne veux pas de cette logique de confrontation avec le Français que cherchent à faire prévaloir certains indépendantistes qui veulent en finir avec l’unité française que nous avons mis si longtemps à construire et qui reste le bien le plus précieux mais aussi le plus fragile que nous ayons à léguer à nos enfants."

Au sujet de la charte des langues régionales, le futur chef de l'État y avait redit son hostilité, "non pas parce que je conteste les langues régionales, qu’au contraire je veux soutenir et développer, mais parce que je ne veux pas que demain un juge européen ayant une expérience historique du problème des minorités différente de la nôtre puisse décider qu’une langue régionale doit être considérée comme langue de la République au même titre que le français. Car au-delà de la lettre des textes il y a la dynamique des interprétations et des jurisprudences qui peut aller très loin. J’ai la conviction qu’en France, terre de liberté, aucune minorité n’est opprimée."

Reconnaissance du saintongeais comme langue à part entière : un précédent pour les langues d'oc

Le Délégué général à la langue française et aux langues de France, Xavier North, vient de donner satisfaction au Collectif pour la défense de l’identité saintongeaise qui demandait la séparation du saintongeais de la langue poitevine. La langue saintongeaise fait désormais partie "de façon autonome de la liste des langues de France".

Cette décision ouvre des perspectives intéressantes pour les langues d'oc.

M. North rappelle en effet dans sa décision que la liste des langues de France, établie par Bernard Cerquiglini en 1999 à l'occasion de la signature par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, "a un caractère purement indicatif". Il observe que les langues d'oïl, qui auraient pu être considérées comme des variétés de la langue française, se sont vu "attribuer la qualité de langue" en raison d'un "choix purement pragmatique, dans un pays encore sous l'emprise d'un modèle unique du langage, peu enclin à accepter la variété dialectale". Et M. North de poursuivre : "Le classement et la dénomination des langues étant traditionnellement des enjeux symboliques, il convient d'adopter une attitude ouverte face à une situation qui n'est pas figée".

"En réalité, écrit le Délégué général à la langue française et aux langues de France, ni la sicence linguistique ni les instances politiques n'ont les moyens de trancher les conflits portant sur le regroupement et l'appellation de parlers génétiquement proches comme ceux du Poitou et des Charentes. Les différentes variétés de langue s'emboîtent les unes dans les autres et l'entreprise se heurte à la difficulté de dégager des critères cohérents qui permettent de les distinguer sans équivoque : tel trait distinctif dessinera une limite nord-sud, tel autre une ligne est-ouest, etc. La seule donnée assurée est leur commune appartenance au domaine d'oïl."

Pour Xavier North, "les représentations qu'on se fait d'une langue entrent cependant pour une part dans sa définition. C'est pourquoi le sentiment qu'ont les locuteurs saintongeais d'avoir un parler autonome ne doit pas être éludé. (...) Au sein de l'unité englobante, le domaine d'oïl, il est légitime que les contours du champ considéré se modifient selon le point de vue que l'on adopte. Plus encore, l'ancienneté de la désignation "saintongeais", la richesse de la production littéraire et savante sous cette appellation plaident pour son maintien."

Dans un communiqué, le Collectif pour la défense de l’identité saintongeaise précise que "ce dossier a été déposé pour qu’il soit mis un terme à cette notion de considérer qu’entre Loire et Gironde existe une langue référente poitevine dont le saintongeais ne serait qu’une branche ; mais au contraire pour dire haut et fort que la langue saintongeaise est un arbre à part entière avec ses propres racines et sa propre sève. Il a aussi été soumis à l’arbitrage de Paris pour en finir avec cette situation conflictuelle, source de débats stériles qui ont conduit à l’affrontement des communautés saintongeaises et poitevines, quand cela n’a pas été à générer des tensions entre les Saintongeais eux-mêmes."

Comment ne pas voir dans cette affaire des perspectives pour la langue provençale ? Tous les arguments retenus par Xavier North justifient en effet la reconnaissance de la spécificité de langue provençale dans le domaine d'oc, qu'il s'agisse du sentiment des locuteurs provençaux, de l'ancienneté de l'appellation ou la richesse de sa production littéraire et savante spécifique. Et nous ne saurions mieux dire que le Collectif saintongeais quant au fait que l'inscription de la langue provençale et des autres langues d'oc dans la liste des langues de France mettrait enfin un terme à la situation conflictuelle qui est celle que nous connaissons aujourd'hui dans les pays d'oc..

Les 20 ans de la Mirèio d'or : un anniversaire réussi à Pertuis et La Tour-d'Aigues

Durant trois jours, début juin, Pertuis et La Tour d'Aigues ont accueilli une Fèsto dou Pople prouvençau particulièrement animée, puisqu'elle marquait les 20 ans de la Mirèio d'or. La Mirèio d'or est un trophée attribué chaque année par l'Unioun Prouvençalo au nom de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur à une association s'étant particulièrement illustrée au cours du "Printèms prouvençau", organisé en mars de chaque année.

Concert de l'Académie du tambourin sur le thème de l'opéra, remise des prix du Councours di Jouine de Prouvènço à plus de 200 jeunes de la région étudiant la langue provençale, récital des jeunes chanteurs marseillais de "Crous e Pielo", mariant polyphonie, humour et chanson contemporaine en provençal, folklore et théâtre provençal ont ainsi ponctué ce week-end dédié à l'identité provençale, qui a été particulièrement réussi.

L'association "Lou prouvençau au vilàgi", de Meyreuil (Bouches-du-Rhône), s'est vu décerner la Mirèio d'or. Le trophée a été remis aux représentants de Meyreuil par Jean-Louis Joseph, vice-président de la Région, représentant le président Michel Vauzelle, et l'Escolo de la Ribo, de La Ciotat, qui l'avait obtenu l'an dernier à Saint-Bonnet-en-Champsaur (Hautes-Alpes).

L'Unioun Prouvençalo, épaulée pour l'occasion par Li Reguignaire dou Luberoun de Pertuis, a ainsi mis en exergue la modernité de la culture provençale. Une culture et une langue qui, comme l'a souligné Henri Féraud, président délégué de l'Unioun Prouvençalo, ne sont pas celles "d'une ethnie particulière, mais le patrimoine commun de tous ceux qui vivent en Provence, quelles que soient leurs origines". En cela, a-t-il rappelé, "parler de peuple provençal, c'est avoir une réflexion sur le destin du peuple de Provence. Ce sont tous les hommes et les femmes qui vivent en Provence qui forment le peuple provençal".

Palmarès de la Mirèio d'or 2007

Mirèio d'or : Lou Prouvençau au Vilàgi (Meyreuil) ; Mirèio d'argènt : Li Gènt dóu Baou (Saint-Chamas) ; Mirèio de brounze : Office de Tourisme et associations de Gardanne ; Prèmi de l'Unioun Prouvençalo : Counfrarié de la Mantenènço di Tradicioun Prouvençalo (Cavaillon).

Me Dison Prouvènço célèbre l'amitié celto-latine

Pour sa quatrième édition, le festival Me Dison Prouvènço se consacre à la célébration de l'amitié celto-latine à travers un menu électique : musique, parade, costumes traditionnels, gastronomie, littérature provençale, théâtre, danses, chants, sports, artisanat équitable, marché bio... La Nuit celto-latine du 21 juillet sera le temps fort de cette édition 2007 : elle réunira dans les arènes d'Arles Carlos Nunez, le Bagad de Lann Bihoué, Banda Gaites Llancin, Guy Bonnet, le Condor, Irish Dancers et le groupe marseillais Crous e Pielo.

Arles, du 16 au 22 juillet. Organisé par le Collectif Prouvènço (08 71 49 50 71).

31ème Festival provençal de Parlaren en Vaucluso

Tout au long du mois de juillet, Parlaren en Vaucluso vous donne rendez-vous à Avignon et dans tout le département pour une nouvelle célébration de la langue et de la culture provençales. Festivités, chanson, théâtre, musique sont au rendez-vous. On retrouvera notamment la chanteuse Hombeline pour un spectacle autour des femmes troubadours (15 au 23 juillet), un concert de Guy Bonnet (24) et de Cheops (25) au Palais du Roure en Avignon.

Infos : www.nouvello.com.

Le Festival de Martigues honore deux Mistral

Ils ont tous deux été prix Nobel de littérature : le poète provençal Frédéric Mistral et la poétesse chilienne Gabriela Mistral seront symboliquement réunis pour le Festival de Martigues, qui portera plus particulièrement son regard sur l'Amérique du Sud cette année avec une série de concerts, de stages et de spectacles, qui n'oublieront pas non plus la culture provençale.

Martigues, du 23 au 31 juillet. La Capouliero (04 42 49 48 48)

Roumiage de Setembre à Coumboscuro

Le Roumiage de Setembre, rencontre annuelle et festive des Provençaux des deux versants des Alpes, se déroulera du 31 août au 2 septembre à Sancto-Lucìo de Coumboscuro (province de Cuneo). Il sera placé sous le thème de l'Europe des Régions. Concerts, balèti, danses et musique traditionnelles, colloque international, marché des Alpes sont au programme. Et comme chaque année, la traversado conduira quelques dizaines de marcheurs à Coumboscuro, après être partis de Barcelonnette ou Saint-Martin-Vésubie.

Infos : www.coumboscuro.org ; tél.: 0033-171 98707.

 

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