Les langues régionales dans la loi sur l'avenir de l'école

(extraits des débats au Parlement)

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DÉBAT À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Extrait du rapport de Frédéric Reiss, rapporteur du projet de loi

"Le rapporteur considère qu'il faudra également renforcer l'enseignement des langues régionales dans le cadre de partenariats avec les collectivités territoriales. Il faut rappeler à cet égard l'intérêt de la convention passée entre l'État, la région Alsace, les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, et les services de l'éducation nationale qui vise formation des maîtres destinés à l'enseignement précoce de l'allemand et sa poursuite dans le second degré. Un amendement proposera la possibilité de mettre en œuvre un tel dispositif dans d'autres régions françaises."

 

AMENDEMENT N° 91 Rect.

présenté par M. REISS, rapporteur

au nom de la commission des affaires culturelles

ARTICLE ADDITIONNEL

APRES L'ARTICLE 12, insérer l'article suivant:

" Le premier alinéa de l'article L. 312-10 du code de l'éducation est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

" Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention spécifique entre l'Etat et la Région ou le Département où ces langues sont en usage.

" Le recteur de l'académie concernée transmettra au Haut conseil de l'éducation un rapport annuel sur la mise en œuvre de la convention et les résultats obtenus. "

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le projet de loi d'orientation fixe à l'école de la République la mission de faire reconnaître " ce qui est commun à tous les Français ". Cette mission essentielle n'est nullement contradictoire avec la volonté de développer au sein de l'école les langues et les cultures régionales de France qui font partie du patrimoine national.

Le projet de loi, dans sa rédaction originelle, ne fait pas mention des langues et cultures régionales de France auxquelles divers articles du code de l'éducation font déjà référence.

Il importe, à travers cette loi, de manifester sans ambiguïté l'attachement, le respect, la volonté de promouvoir au sein de l'école les langues et les cultures régionales et d'adapter les articles du code de l'éducation : en précisant que des conventions spécifiques pourront être négociées entre l'Etat et les régions où ces langues sont en usage pour en assurer le développement ; en confiant au Haut conseil de l'éducation nouvellement créé par la loi une mission d'évaluation permanente de la mise en œuvre des diverses conventions.

...

DÉBAT À L'ASSEMBLÉE NATIONALE - 17 FÉVRIER 2005

Je suis saisi d'un amendement n° 103.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. M. Lachaud souhaite, par cet amendement, appeler l'attention sur l'apprentissage des langues régionales. Il convient d'éviter qu'en faisant référence aux langues étrangères, on exclue de l'enseignement les langues régionales.

Toutefois, monsieur le ministre, je suis prêt à retirer cet amendement, sous réserve des garanties que vous pourrez nous apporter à ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement au motif que l'enseignement des langues étrangères est important.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Même avis. Les langues régionales sont dans l'offre scolaire, mais non dans le socle. Elles font partie des langues de France et ne sont donc pas concernées par l'objectif d'intégrer dans le socle une langue étrangère.

M. le président. Monsieur Baguet, retirez-vous cet amendement ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 103 est retiré.

...

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l'amendement n° 102.

M. Pierre-Christophe Baguet. Par cet amendement, mon collègue Lachaud souhaite rouvrir le débat sur l'enseignement immersif. Le Conseil d'État a en effet considéré, en octobre 2002, que l'immersion excédait les nécessités de l'enseignement des langues régionales. Pourtant, toutes les évaluations montrent que les enfants des classes immersives ont, en français et en mathématiques, un niveau supérieur ou égal à celui des autres élèves. Saisissant l'occasion du débat sur le projet de loi d'orientation sur l'école, mon collègue a voulu poser à nouveau ce problème afin de connaître la position du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Reiss, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, bien que je sois personnellement favorable à l'enseignement des langues régionales. J'ai d'ailleurs proposé à la commission d'adopter, après l'article 12, un amendement sur le sujet. Il a reçu le soutien d'un certain nombre de nos collègues, et je propose à M. Lachaud de s'y rallier également.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Conseil d'État a effectivement considéré, en octobre 2002, que la méthode de l'immersion était contraire à la règle constitutionnelle selon laquelle le français est la langue de la République. Le code de l'éducation garantit déjà la possibilité de recevoir un enseignement en langue régionale tout au long de sa scolarité. Il ne me paraît donc pas nécessaire de prendre une nouvelle disposition législative, d'autant plus qu'elle se trouverait en contradiction avec la Constitution.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Notre rapporteur compte défendre après l'article 12 un amendement d'une inspiration proche de celui de M. Lachaud. Dans ces conditions, j'accepte de retirer l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 102 est retiré.

DÉBAT À L'ASSEMBLÉE NATIONALE - LE 18 FÉVRIER 2005

APRÈS L'ART. 12

M. le Rapporteur Frédéric Reiss - Important pour tous les députés attachés à la défense des langues régionales, dont M. Baguet, M. Lett, Mme Marland-Militello et bien d'autres, l'amendement 91 rectifié vise à remplacer le premier alinéa de l'article L. 312-10 du code de l'éducation par deux alinéas ainsi rédigés : " Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention spécifique entre l'Etat et la région ou le département où ces langues sont en usage. Le recteur de l'académie concernée transmettra au Haut conseil de l'éducation un rapport annuel sur la mise en œuvre de la convention et les résultats obtenus. "

M. le Président - Monsieur Reiss, je vous rappelle que le rapporteur s'exprime au nom de l'ensemble de la commission. Dès lors, je trouve particulièrement contestable l'usage ancien qui consistait à citer certains noms de députés. Vous représentez l'ensemble des commissaires.

M. le Ministre - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 91 rectifié.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je remercie le rapporteur de tenir ses engagements. J'avais défendu à l'article 8 un amendement analogue qu'il m'avait incité à retirer au profit de celui-ci : je constate qu'il a tenu parole.

L'amendement 91 rectifié, mis aux voix, est adopté.

 

DÉBAT AU SÉNAT - LE 17 MARS 2005

...

Article 12 bis (nouveau)

     Le premier alinéa de l'article L. 312- 10 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

     Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention spécifique entre l'État et la région ou le département où ces langues sont en usage.

     Le recteur de l'académie concernée transmet au haut conseil de l'éducation un rapport annuel sur la mise en œuvre de la convention et les résultats obtenus.

     M. LE PRÉSIDENT. – Amendement n° 95, présenté par M. Carle au nom de la commission des Affaires culturelles.Supprimer cet article.

     M. CARLE, rapporteur. – Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, rappelle qu'un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé, à chaque niveau de la scolarité ; il est inutile car il n'apporte rien au Code de l'éducation : des conventions existent déjà dans la plupart des départements et régions concernés, par exemple en Alsace, en Bretagne, dans le Pays basque ou en Corse.

     En outre, les modifications introduites par cet article pourraient rendre son application plus restrictive qu'actuellement, ce qui serait contraire à l'intention de ses auteurs.

     Enfin, nous devons faire preuve de cohérence : nous estimons que les élèves ont un emploi du temps surchargé, qu'ils ont une maîtrise insuffisante de la langue française, qu'ils n'étudient pas assez les langues étrangères. Nous devons donc fixer des priorités. C'est pourquoi je propose que nous en revenions à la rédaction initiale du texte.

     M. LE PRÉSIDENT. – Amendement n° 291, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Rédiger comme suit le début du texte proposé par cet article pour l'article L. 312-10 du Code de l'éducation :"Dans le respect des principes et des valeurs de la République, un enseignement de langues et cultures régionales… ".

     M. BODIN. – Cet amendement est plus que jamais d'actualité car l'article 2 de la Constitution énonce que le français est la langue de la République. Il convient donc d'être vigilant afin que les valeurs de la République soient respectées.

     Nul ne conteste la richesse des langues et des cultures régionales et elles doivent même être encouragées mais pas au détriment des valeurs de la République.

     M. LE PRÉSIDENT. – Amendement n° 542, présenté par Mme David et les membres du groupe C.R.C.

À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 312-10 du Code de l'éducation, supprimer les mots :"selon des modalités définie par voie de convention spécifique entre l'État et la région ou le département où ces langues sont en usage ".

     Mme DAVID. – Manifestement, cet article est assez peu équilibré, puisque la commission veut le supprimer alors que d'autres amendements souhaitent en préciser le sens !

     La place des langues et cultures régionales est consacrée par l'article L. 121-1 du Code de l'éducation selon lequel " Cette formation peut comprendre un enseignement, à tous les niveaux, de langues et cultures régionales ". La véritable question concerne la place réelle de ces langues et cultures régionales, d'autant qu'un certain nombre d'entre elles sont parlées dans des pays limitrophes. Ainsi en est-il du catalan, du basque et du flamand et je ne parle même pas de l'outre-mer ! En Nouvelle Calédonie, une trentaine de langues de caractère régional ou local sont pratiquées.

     Convient-il de limiter la découverte de ces univers linguistiques aux seules régions où ces langues sont parlées ? Cantonner l'apprentissage du breton aux seuls départements bretonnants est un non sens au regard de l'existence de " l'émigration bretonne ", notamment en Ile-de-France.

     L'apprentissage et la connaissance des langues régionales doit être assumée par l'État qui devra, pour ce faire, recruter des enseignants titulaires.

     M. LE PRÉSIDENT. – Amendement n° 382, présenté par M. Legendre.Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer le premier alinéa de l'article L. 312-10 du Code de l'éducation, après le mot :"convention ",supprimer le mot :"spécifique ".

     M. LEGENDRE. – Amendement de portée modeste. Le terme " spécifique " n'a pas de portée normative.

     M. LE PRÉSIDENT. – Amendement n° 186, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery et M. Desessard.Avant le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour le premier alinéa de l'article L. 312- 10 du Code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

     L'enseignement du créole est assuré dans les départements d'outre-mer dans des formes qui témoignent de la considération de la République vis-à-vis de la langue maternelle des élèves qui y sont nés et qui y habitent.

     Mme VOYNET. – Cet amendement vise à préciser les conditions dans lesquelles l'enseignement du créole est assuré dans les départements d'outre- mer.

     Le créole est une langue mixte, faite de la langue des colons et d'apports africains, née de ce métissage, fruit d'une passion commune qui réunit des écrivains de la dimension d'Édouard Glissant ou Rafaël Confiant.

     Prenons acte de ces données, un ministre de l'Éducation nationale courageux a inauguré, en 2000 un dispositif universitaire d'enseignement de cette langue et organisé en 2001 deux concours de recrutement d'enseignants.

     Aujourd'hui, très peu d'écoles primaires et de collèges dispensent un enseignement du créole, ce qui est préjudiciable à la réussite scolaire des élèves dont c'est la langue maternelle. C'est la raison pour laquelle il nous semble opportun de signaler dans la loi l'importance que nous attachons à la diffusion de cette langue magnifique.

     M. Carle nous a fait tout à l'heure une présentation ambiguë et non dépourvue d'arrière-pensées de son amendement, arguant de l'inutilité de cet article 12 bis au motif que cet enseignement est déjà organisé et que des conventions existent déjà entre l'État et le département. De même, en invoquant les emplois du temps surchargés, on en revient à une argumentation classique. Tout se passe comme s'il y avait d'un côté les langues étrangères, dont la découverte est encouragée, de l'autre, les langues régionales, qui sentiraient encore le soufre, et menaceraient l'unité de la République.

     Il est connu que le Français parle peu et mal les langues étrangères, qu'il est peu rompu à cette discipline mentale. Je crois que la curiosité vient par la pratique, et c'est ce que traduit cet amendement. Pourquoi ne pas reconnaître les langues vernaculaires, au même titre que le français et les langues étrangères ? Certaines pourraient être enseignées en tirant profit de la polyvalence nouvelle des enseignants et des enseignements, sans constituer une menace pour la langue de la République. J'ai cru comprendre, en écoutant l'intervention de M. Fillon, qu'il était prêt à ouvrir une expérimentation.

     M. CARLE, rapporteur. – Défavorable à l'amendement n° 291, contraire à la position de la commission. Défavorable également aux amendements nos 542 et 382. Pour le n° 186 : le créole peut déjà être enseigné dans les académies d'outre-mer au titre de l'enseignement des langues et cultures régionales, sans pour autant qu'il puisse se substituer à la langue française.

     M. FILLON, ministre de l'Éducation nationale. – L'enseignement des langues régionales est un fait acquis. L'Assemblée nationale a seulement voulu lui donner un cadre conventionnel liant l'État et la région. Je ne suis pas convaincu que la suppression de l'article que propose l'amendement n° 95 soit une bonne chose, d'autant que je crois, comme M. Longuet, que les régions et les départements ont vocation à établir des relations avec l'État dans ce domaine, comme cela se fait d'ailleurs déjà. Je m'en remettrai donc, sur cet amendement n° 95, à la sagesse du Sénat. L'amendement n° 291 de M. Charasse est satisfait. Le respect des principes et des valeurs de la République est un impératif plusieurs fois réaffirmé dans ce texte. Sagesse sur le n° 542. Favorable au n° 382 de M. Legendre. Défavorable au n° 186 de Mme Voynet : un enseignement du créole est déjà assuré – vous l'avez dit vous-même – dans les départements d'outre-mer. En outre – et cela sera publié dans quelques jours au Journal officiel – le créole pourra être choisi comme option facultative au baccalauréat professionnel.

     M. LE PRÉSIDENT. – Je vais mettre aux voix l'amendement n° 95.

     M. LEGENDRE. – Cette demande de suppression m'embarrasse. L'article adopté par l'Assemblée nationale est le seul qui fasse référence aux langues régionales. Sa suppression pourrait être mal interprétée, comprise comme un geste désinvolte, voire négatif.

     Or, quand on aime le français comme je l'aime, on respecte toutes les langues. Le dernier rapport que nous avons publié sur ce sujet ne s'intitulait-il pas " Pour que vivent les langues ". On doit reconnaître le droit à tous les Français parlant une langue régionale de la voir enseignée dans l'école de la République. J'ai été rapporteur, pour le Sénat, de la loi Toubon, et je n'ai jamais opposé la langue de la République aux langues régionales – qui ne la gênent en rien, et ont le droit de trouver leur place.

     Il est vrai que cet article est maladroit par certains côtés. Évoquer la passation de conventions laisse penser à certains qu'un enseignement ne pourra voir le jour que si une convention est passée. Si nous suivons la commission des Affaires culturelles dans sa demande de suppression, je souhaite que ce soit au bénéfice d'un débat en C.M.P., pour arriver à une formule satisfaisante permettant d'enseigner les langues régionales tout en rappelant que le français est la langue de la République.

     M. LONGUET, rapporteur pour avis. – Je soutiens l'amendement de suppression, tout en souhaitant, comme M. Legendre, que la C.M.P. soit l'occasion d'approfondir ce débat.

     Le problème de l'article 12 bis est qu'il traite uniformément plusieurs situations différentes : celle des cultures et langues régionales, partie de notre patrimoine et qui méritent à ce titre d'être défendues. J'observe cependant que l'expression " tout au long de la scolarité " est équivoque : parle-t-on de bilinguisme ou seulement de possibilité ouverte à différentes étapes de la scolarité ? Autre situation, différente de ce que je viens d'évoquer, celle du bilinguisme. Nous avons des régions de tradition bilingue, qui s'efforcent au reste d'évoluer vers un bilinguisme européen. Ainsi, l'Est de la France tend à remplacer le francique ou l'alémanique par l'allemand d'aujourd'hui. Je rejoins là-dessus M. Cointat. Le bilinguisme peut connaître des évolutions. Ce n'est pas parce que Charles le Chauve et Louis le Germanique ont signé en 842 le serment de Strasbourg, qui a déterminé un partage des territoires selon une ligne linguistique qui n'a pas évolué depuis douze siècles que les choses doivent rester immuables. On peut imaginer que la région Languedoc-Roussillon choisisse d'enseigner l'espagnol plutôt que le Catalan ; que la Savoie s'oriente vers un bilinguisme italien, bien que la langue vernaculaire ait été une langue romane, proche du français.

     C'est pourquoi je ne suis pas hostile à l'idée d'un partenariat entre État et collectivités territoriales. Mme Voynet a raison de dire que le créole fait partie de notre patrimoine, ce qui ne contredit en rien l'idée que le bilinguisme français-anglais, dans le cadre des Antilles, est une nécessité. L'île de Saint-Martin est bilingue. Pourquoi ne pas en tenir compte ?

     En supprimant l'article, nous ouvrons le débat et demandons à l'Assemblée nationale de hiérarchiser ses préférences : préservation de notre culture et de notre patrimoine, d'une part ; bilinguisme de l'autre – qui peut viser une langue européenne plutôt que le repli sur une langue de culture dont l'utilisation est très faible.

     M. PORTELLI. – Je réagis sur cet amendement en même temps que sur celui de M. Charasse.

     Il y a trois ans, lorsque je travaillais au ministère de l'Intérieur sur la réforme du statut de la Corse, qui a débouché sur la loi de janvier 2002, il y avait de grandes discussions, y compris au Conseil constitutionnel, pour savoir si l'enseignement du corse devait être rendu obligatoire.

     On a fini par trouver une formule assez jésuite : l'enseignement de la langue corse ne serait pas obligatoire, mais possible partout. Or, nous nous sommes finalement aperçus que la question avait été réglée longtemps auparavant par une circulaire rectorale. Au cas présent, je vous invite à vous renseigner sur la ligne suivie par les diverses académies. Personnellement, je suis très favorable à l'enseignement des langues régionales. En revanche, je suis choqué que l'enseignement du flamand soit financé par la communauté flamande de Belgique, celui du catalan par la généralité de Catalogne, du basque par la communauté autonome du Pays basque espagnol.

     Ce sont notre République et nos collectivités qui doivent prendre en charge ces enseignements, non des États voisins – et néanmoins amis.

     Un dernier mot. Dans mon université, je suis responsable du programme Erasmus ; j'ai refusé d'envoyer des étudiants dans une faculté de Barcelone, car les cours qui leur étaient dispensés l'étaient en catalan ! Il faut faire preuve de discernement pour appliquer des principes.

     Mme LUC. – Nous voterons l'amendement n° 291. En effet, plusieurs mesures, ça et là dans le texte, fragilisent l'enseignement des langues régionales. Le nombre de postes au CAPES se réduit en 2004, puis encore en 2005 : de quatorze à quatre pour l'occitan, par exemple ! Le cursus en est dévalorisé, les étudiants se découragent.

     Au baccalauréat, les langues régionales sont dévalorisées par rapport aux langues anciennes ou étrangères car elles ne sont pas affectées du même coefficient trois. Elles ont également été oubliées dans les épreuves facultatives du nouveau brevet des collèges. À l'école primaire, la langue vivant inscrite dans le socle commun est une langue étrangère.

     Enfin, dans la réduction des moyens financiers et humains, les langues régionales sont plus touchées que les autres disciplines.

     Appartenant à votre patrimoine national, elles méritent pourtant d'être préservées ! Il est urgent de modifier votre politique.

     L'amendement n° 95 est adopté et l'article 12 bis est supprimé.

     Les amendements nos 291, 542, 382 et 186 deviennent sans objet.

 

DÉBAT À LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE - 22 MARS 2005

Article 12 bis

(art. L. 312-10 du code de l'éducation)

Langues régionales

M. Frédéric Reiss, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a demandé la priorité de l'examen de l'article 12 bis avant l'article 12 bis A (nouveau).

Puis, il a présenté un amendement tendant à rétablir cet article, supprimé par le Sénat, en ne retenant toutefois que le premier alinéa de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, sous réserve de la suppression du caractère spécifique de la convention, et, sur la proposition de M. Philippe Richert, sénateur, de la référence aux collectivités territoriales plutôt qu'à la région ou au département.

M. Jacques Legendre, sénateur, a soutenu cet amendement. Estimant que l'enseignement des langues régionales posait quelques problèmes, il a jugé nécessaire de donner un message politique à l'égard des familles qui désirent que leurs enfants puissent bénéficier de l'apprentissage d'une langue régionale. Il a jugé souhaitable que cet enseignement soit assuré par l'éducation nationale.

Peu enthousiaste sur cet amendement, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis du Sénat, a relevé que la langue régionale pouvait revêtir un intérêt pour la culture régionale et le bilinguisme mais qu'il convenait de distinguer, s'agissant de ce dernier, la langue régionale et la langue du pays voisin. La rédaction proposée, en particulier la référence à " l'usage " de ces langues, lui a semblé relever d'une vision historique et passéiste du bilinguisme. Il a souligné, en revanche, l'intérêt de la référence aux collectivités territoriales, les trois niveaux de collectivités territoriales pouvant être mobilisés.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour le Sénat, a déclaré partager le point de vue exprimé par M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis du Sénat, mais il s'est rallié à l'amendement proposé, compte tenu des modifications apportées.

M. Christian Paul, député, a demandé pour quelle raison, si cet enseignement relève de l'éducation nationale, des conventions mettant à contribution les collectivités territoriales étaient nécessaires.

M. Yannick Bodin, sénateur, s'est également interrogé sur la nature de ces conventions.

Après les interventions de Mme Annie David, sénateur, et de MM. Yvan Lachaud et André Schneider, députés, la commission mixte paritaire a adopté l'amendement ainsi modifié. Elle a donc rétabli l'article 12 bis dans cette nouvelle rédaction.

* * *

VOTE DÉFINITIF DES DEUX CHAMBRES LE 24 MARS 2005

Le premier alinéa de l'article L. 312-10 du code de l'éducation est ainsi rédigé :

" Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'Etat et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. "

 

Nouvelle rédaction de l'article L312-10 du code de l'éducation

   Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'Etat et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage.

   Le Conseil supérieur de l'éducation est consulté, conformément aux attributions qui lui sont conférées par l'article L. 231-1, sur les moyens de favoriser l'étude des langues et cultures régionales dans les régions où ces langues sont en usage.

 

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