Langues régionales : qu'attendre de Nicolas Sarkozy ?

Opposé à la ratification par la France de la Charte européenne des langues minoritaires, le nouveau président de la République française, Nicolas Sarkozy, a annoncé pendant la campagne électorale qu'il proposerait de faire adopter un texte de loi afin de sécuriser une fois pour toutes la situation des langues régionales de France.

Dans une lettre adressée -avant son élection- au Bureau européen des langues minoritaires (EBLUL), Nicolas Sarkozy estimait ainsi que cette question touche à la liberté et à la diversité culturelle au sein de la République et se disait soucieux de la préoccupation "des locuteurs des langues de France autres que le français" sur le risque de disparition de leur langue propre. "On assiste, en effet, en ce moment, à la disparition des dernières générations de locuteurs naturels et, malheureusement, avec elle, à la disparition de la transmission familiale de ces langues" écrivait-il.

"Dans ces conditions, l’enseignement est devenu depuis quelques années la voie privilégiée et déterminante de la sauvegarde des langues régionales, c’est-à-dire de notre patrimoine linguistique" (...). "Faut-il consolider juridiquement cette dynamique ? Je le pense, notamment parce que la maîtrise d’une langue régionale peut constituer, à mon sens, un avantage décisif pour une bonne insertion professionnelle. On ne le dit pas assez souvent, mais en parlant l’alsacien ou le catalan, par exemple, un jeune ne s’enrichit pas seulement culturellement : il s’ouvre de nouveaux horizons professionnels au-delà des frontières" considère le chef de l'État.

Concernant la ratification de la Charte européenne, Sarkozy confirme être opposé à son adoption. "Je sais que depuis quelques années, en période électorale, les candidats ont pris une mauvaise habitude : ils promettent tout et n’importe quoi aux locuteurs des langues régionales. Ce sont bien entendu des promesses qui sont sans lendemain, suscitant beaucoup d’amertume et de frustrations. Je ne suis pas de ceux-là. C’est pourquoi je ne vous dirai pas, aujourd’hui, que je m’engage à ratifier, dès demain, la Charte européenne. Les hommes ou les femmes politiques qui vous font cette promesse sont des mystificateurs" estimait-il.

"La Charte a été jugée non conforme, non seulement à l’article 2, mais également au principe d’indivisibilité de la République, d’unité du peuple français et d’égalité" rappelle-t-il. "Je pense que l’idée d’un texte de loi posant la reconnaissance juridique des langues régionales de France est à la fois beaucoup plus raisonnable et surtout plus efficace. Comme l’avait démontré le Professeur Guy Carcassonne, dont nul ne peut contester la qualité d’expertise, bon nombre des propositions retenues par le gouvernement en vue de la ratification de la Charte étaient compatibles avec notre Loi fondamentale. Si le Conseil constitutionnel en a décidé autrement, c’est sans doute à cause de la tonalité générale de la Charte, et plus particulièrement son préambule. Plutôt que de promettre une fois de plus une hypothétique ratification, je propose de réfléchir ensemble aux propositions très concrètes que l’on pourrait retenir pour sécuriser une fois pour toutes la situation des langues régionales de France" précise-t-il.

De plus, M. Sarkozy faisait mention dans ce courrier de la loi Fillon sur l'école du 23 avril 2005, estimant que c’est "une bonne loi": "Premièrement, si l’implication croissante des collectivités territoriales dans l’enseignement des langues régionales est une excellente chose, cela ne signifie pas que l’Etat souhaite abandonner sa part de responsabilités : l’enseignement des langues régionales relève toujours des missions de l’Etat. Deuxièmement, si un régime distinct existe désormais entre langues vivantes étrangères et langues régionales, il n’a jamais été question de ne pas soumettre ces dernières au même régime d’excellence : la détermination des niveaux à atteindre dans les langues vivantes étrangères étudiées à l’école puis au collège doit également s’appliquer aux langues régionales". Selon Nicolas Sarkozy, "le ministère de l’éducation nationale doit également définir le niveau d’exigence à atteindre dans les classes bilingues français-langue régionales de 3e, dans la langue régionale et dans la discipline évaluée en langue régionale (histoire-géo). Et si pour cela il faut modifier les textes, pour lever toute ambiguïté, je le ferai" promet-il.

De plus il se dit "favorable à ce que le droit des parents à inscrire leurs enfants dans une classe bilingue français-langue régionale soit reconnu, dès lors que la demande est suffisante".

Enfin il estime "trop faible" le temps d’antenne que l’on accorde aux langues régionales à la télévision publique et à la radio et propose de prendre l’exemple corse qui offre 5.600 heures par an en langue corse notamment aux heures de grande écoute. "Pour le développer dans d’autres régions".

Nicolas Sarkozy avait également évoqué cette question dans son discours de Caen, le 9 mars 2007, consacré à la francophonie. Il avait alors relevé que "le patrimoine linguistique de la France, ce n’est pas seulement le Français, c’est aussi l’extraordinaire richesse de ses langues régionales. Il suffit de se souvenir de l’œuvre immense de Mistral pour prendre conscience de l’appauvrissement que constituerait la disparition de toutes ces langues très anciennes qui ont concouru à la formation de la langue française et qui continuent à vivre en partie en elle. Je souhaite que leur enseignement soit correctement pris en charge par l’éducation nationale. Je souhaite que l’on soutienne leur pratique et leur diffusion. Mais je ne veux pas de cette logique de confrontation avec le Français que cherchent à faire prévaloir certains indépendantistes qui veulent en finir avec l’unité française que nous avons mis si longtemps à construire et qui reste le bien le plus précieux mais aussi le plus fragile que nous ayons à léguer à nos enfants."

Au sujet de la charte des langues régionales, le futur chef de l'État y avait redit son hostilité, "non pas parce que je conteste les langues régionales, qu’au contraire je veux soutenir et développer, mais parce que je ne veux pas que demain un juge européen ayant une expérience historique du problème des minorités différente de la nôtre puisse décider qu’une langue régionale doit être considérée comme langue de la République au même titre que le français. Car au-delà de la lettre des textes il y a la dynamique des interprétations et des jurisprudences qui peut aller très loin. J’ai la conviction qu’en France, terre de liberté, aucune minorité n’est opprimée."

 

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