Reconnaissance du saintongeais comme langue à part entière : un précédent favorable aux langues d'oc
Le Délégué général à la langue française et aux langues de France, Xavier North, vient de donner satisfaction au Collectif pour la défense de lidentité saintongeaise qui demandait la séparation du saintongeais de la langue poitevine. La langue saintongeaise fait désormais partie "de façon autonome de la liste des langues de France".
Cette décision ouvre des perspectives intéressantes pour les langues d'oc.
M. North rappelle en effet dans sa décision que la liste des langues de France, établie par Bernard Cerquiglini en 1999 à l'occasion de la signature par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, "a un caractère purement indicatif". Il observe que les langues d'oïl, qui auraient pu être considérées comme des variétés de la langue française, se sont vu "attribuer la qualité de langue" en raison d'un "choix purement pragmatique, dans un pays encore sous l'emprise d'un modèle unique du langage, peu enclin à accepter la variété dialectale". Et M. North de poursuivre : "Le classement et la dénomination des langues étant traditionnellement des enjeux symboliques, il convient d'adopter une attitude ouverte face à une situation qui n'est pas figée".
"En réalité, écrit le Délégué général à la langue française et aux langues de France, ni la sicence linguistique ni les instances politiques n'ont les moyens de trancher les conflits portant sur le regroupement et l'appellation de parlers génétiquement proches comme ceux du Poitou et des Charentes. Les différentes variétés de langue s'emboîtent les unes dans les autres et l'entreprise se heurte à la difficulté de dégager des critères cohérents qui permettent de les distinguer sans équivoque : tel trait distinctif dessinera une limite nord-sud, tel autre une ligne est-ouest, etc. La seule donnée assurée est leur commune appartenance au domaine d'oïl."
Pour Xavier North, "les représentations qu'on se fait d'une langue entrent cependant pour une part dans sa définition. C'est pourquoi le sentiment qu'ont les locuteurs saintongeais d'avoir un parler autonome ne doit pas être éludé. (...) Au sein de l'unité englobante, le domaine d'oïl, il est légitime que les contours du champ considéré se modifient selon le point de vue que l'on adopte. Plus encore, l'ancienneté de la désignation "saintongeais", la richesse de la production littéraire et savante sous cette appellation plaident pour son maintien."
Dans un communiqué, le Collectif pour la défense de lidentité saintongeaise précise que "ce dossier a été déposé pour quil soit mis un terme à cette notion de considérer quentre Loire et Gironde existe une langue référente poitevine dont le saintongeais ne serait quune branche ; mais au contraire pour dire haut et fort que la langue saintongeaise est un arbre à part entière avec ses propres racines et sa propre sève. Il a aussi été soumis à larbitrage de Paris pour en finir avec cette situation conflictuelle, source de débats stériles qui ont conduit à laffrontement des communautés saintongeaises et poitevines, quand cela na pas été à générer des tensions entre les Saintongeais eux-mêmes."
Comment ne pas voir dans cette affaire des perspectives pour la langue provençale ? Tous les arguments retenus par Xavier North justifient en effet la reconnaissance de la spécificité de langue provençale dans le domaine d'oc, qu'il s'agisse du sentiment des locuteurs provençaux, de l'ancienneté de l'appellation ou la richesse de sa production littéraire et savante spécifique. Et nous ne saurions mieux dire que le Collectif saintongeais quant au fait que l'inscription de la langue provençale et des autres langues d'oc dans la liste des langues de France mettrait enfin un terme à la situation conflictuelle qui est celle que nous connaissons aujourd'hui dans les pays d'oc.